-39%
Le deal à ne pas rater :
Ordinateur portable ASUS Chromebook Vibe CX34 Flip
399 € 649 €
Voir le deal

Aller en bas
Général Patafouin
Général Patafouin
Rédacteur en chef
Rat de bibliothèque
Vous avez publier plus de 400 messages
Romancier
Vous avez créer 20 sujets
Le pouvoir de l'amitié
Vous avez demander un membre en ami
Le pins symbolique
Vous êtes sur le forum depuis plus d'un an
Messages : 580
Date d'inscription : 03/01/2021

Fragments - Partie II Empty Fragments - Partie II

Lun 7 Fév - 20:41
— Allez, relève-toi, Aesnul !
— C’est ça le fils d’un commandant de la Poursuite Divine ? Ton papa ne t’a rien appris au combat, crétin ?


Fragments - Partie II 22a96d10

Étalé de tout son long dans la boue glacée, le jeune Altmer pouvait sentir un liquide chaud qui dégoulinait le long de ses lèvres. Un goût de fer lui emplit la bouche. Du sang… Cette sensation le dégoûta. Une douleur sourde lui vrillait les sinus. Il se releva sur un bras, s’essuyant le nez d’un revers de la main, recrachant le sang qui lui emplissait la bouche.

— Alors, tu dis plus rien ? Tu vas aller pleurer dans les jupons de maman, je parie !

Les larmes aux yeux, il fusilla l’autre garçon du regard. Entouré de ses deux compères, d’autres enfants s’étaient rassemblés pour observer la scène.
« Il ne faut pas paraître faible. Ne montre jamais tes véritables émotions ». C’est ce que Père lui avait répété chaque fois qu’il lui faisait part de ses craintes ou que les autres enfants s’en étaient pris à lui.

— Tu m’as cassé le nez, abruti…
— Qu’est-ce que t’as dit ?!


Fragments - Partie II Enfanc15

La brute le roua de coups de pieds et Aesril se recroquevilla sur lui-même pour se protéger le visage. « Faites que ça cesse… pitié. », songea-t-il.

— Ça t’apprendra à te prendre pour le meilleur, avec tes stupides tours de magie ! Tu crois que ça impressionne les précepteurs et que tu nous surpasse tous, hein ? Et elle est où ta magie, maintenant ? T’es autant un magicien que les cochons qui traînent dans la boue !

Tous se mirent à rire. Aesril aurait aimé être loin, très loin. Il voulait qu’ils souffrent. Ils le détestaient juste parce qu’il avait toujours été le meilleur dans l’apprentissage de la magie et qu’il n’aimait pas se mêler aux autres, considérant cela comme une perte de temps. Il préférait de loin la compagnie des livres ou des érudits à celle des autres enfants. Les professeurs l’aimaient bien et avec eux, il pouvait avoir de véritables discussions, des discussions sérieuses, relevant des connaissances arcaniques, des possibilités qu’offrait la magie, de la vie de manière générale. On lui avait souvent fait la remarque que ces sujets étaient bien pointus pour un enfant de son âge, mais Aesril en avait toujours ressenti une forme de fierté de comprendre ce qui semblait dépasser la plupart des autres enfants.

Pour cela, cependant, il avait passé son enfance à subir les brimades et les moqueries des enfants qui le considéraient comme « bizarre », « prétentieux », « solitaire »…  Prendre des coups n’était pas le pire qu’il ait subi de la part de ses camarades. Une fois, découvrant qu’il avait peur du noir, ils l’avaient enfermé dans un des vieux sarcophages en marbre, dans la crypte qui se trouvait sous l’école. Il y était demeuré toute une journée, incapable de calmer la crise de panique qui s’était emparé de lui. Lorsqu’il était parvenu à s’apaiser, il put enfin libérer un sort de télékinésie qui lui permit de soulever le lourd couvercle et d’en sortir, couvert de poussière et de toiles d’araignées, tremblant de tous ses membres. Il s’était pris une vive rossée de la part de son père pour être rentré si tard, dans un accoutrement si déplorable et de ne pas avoir trouvé de meilleure excuse que de se « laisser enfermer par ses camarades ».

Père lui avait ensuite donné son sermon habituel : « Comment crois-tu que notre famille se soit hissée si haut dans les échelons et que j’aie pu maintenir notre prestige et notre rang durant tout ce temps ? C’est grâce à des Mers forts et déterminés tels que ton grand-père et moi que nous en sommes là aujourd’hui. C’est en laissant les autres prendre le dessus sur toi tel que tu le fais que tu te rends faible, Aesril, toi et toute notre famille. Tu ne peux pas te permettre d’avoir peur. ».

« Je ne peux pas me permettre d’avoir peur… » se répéta Aesril en tremblant.

— Cet idiot fait moins, le malin, maintenant ! C’est là qu’est ta place, Aesnul, dans la boue.

Sans même savoir comment, Aesril s’était remis sur ses pieds. Son corps tout entier lui faisait atrocement mal. Un cri d’une force qu’il ne soupçonnait pas s’échappa de sa bouche :
— Laissez-moi ! Je vous tuerai tous ! - hurla-t-il à l’assemblée.

Des flammes l’entouraient et léchaient ses doigts, avides de trouver une cible à brûler. Il sentit la puissance s’accroître au creux de ses mains et, soudain, il ne sentit plus rien. Ni le froid, ni les hématomes, ni même la douleur qui lui vrillait le nez. Juste ce pouvoir qui irradiait dans tout son corps, comme une douce vibration. Le feu l’appelait et lui demandait de s’étendre et de vivre, il en captait les particules se rassemblant en lui avec ardeur. Il sentit en lui la violente chaleur des flammes qui ne demandaient qu’à sortir. Instinctivement, il écarta ses mains pour invoquer cette force brute et, dans un souffle sourd, le feu se propagea autour de lui dans une onde brûlante. Les enfants les plus éloignés eurent tout juste le temps de courir pour éviter le sort, mais les autres ne purent que subir. Les trois garçon qui s’en prenaient à lui furent rapidement rattrapées par les flammes qui s’attaquèrent goulument à la chair de leurs mollets, comme une bête vorace, avide de se délecter de ce festin.

Aesril contemplait le spectacle avec une joie mêlée de frayeur. Était-ce vraiment lui qui avait fait cela ? Bien sûr que oui, il avait toujours su qu’il était doué, mais il ne s’attendait pas à parvenir à outrepasser sa peur pour terrasser les gamins qui se tortillaient sur le sol d’une façon si ridicule, hurlant de douleur sous les brûlures provoquées par son sort. Un sourire de soulagement s’étalait sur son visage lorsque des adultes alertés par les cris accoururent pour constater la scène avec horreur.

— Par Auri-El, mais que se passe-t-il, ici ?

L’un des précepteur, d’un geste vif de la main, souffla les flammes et les fit disparaître comme si rien ne s’était produit, tandis qu’un autre se précipitait vers les enfants blessés par le sort. Le précepteur qui avait stoppé le sort d’Aesril s’élança vers lui à grandes enjambées et, l’attrapant par les épaules, le secoua vivement.

— Mais qu’est-ce qui t’a pris ?! Tu as perdu la raison ou quoi ?!

Aesril ouvrit de grands yeux, aux abois, persuadé que les professeurs allaient le prendre en pitié et comprendre, en voyant les coups et les hématomes sur son visage. Désemparé, il ne parvenait plus à retenir ses larmes.

— Mais… Ils ont commencé ! Ils m’ont attaqué ! - s’exclama-t-il entre deux sanglots.
— Tu aurais pu les tuer ! Qu’est-ce qui t’es passé par la tête ?
« C’est ce que je voulais faire… »

— Je… je ne sais pas, Monsieur…
Le précepteur appela un garde d’un geste de la main.

- Pouvez-vous raccompagner ce jeune garçon chez ses parents ? Je pense qu’il vaut mieux qu’il rentre chez lui pour aujourd’hui… Expliquez de ma part ce qu’il s’est produit au Commandant et transmettez-lui mes respects. Merci.

Le garde effectua une brève révérence et attrapa la main du jeune Altmer.
— Venez, allons soigner ces blessures, mon garçon.

Aesril se déroba à l’emprise du garde.
— Je ne suis pas votre garçon ! - s’écria-t-il rageusement.

Il marcha à vive allure aux côtés du garde qui s’assurait qu’il ne s’échappe pas.

Arrivé à la demeure familiale, il fut intimé à Aesril d’attendre sur le banc près du bureau de son père. Il avait toujours craint celui-ci bien plus que n’importe quelle autre figure d’autorité. À vrai dire, toutes les autres avaient l’air dérisoire en comparaison de la froide intransigeance, des remarques acerbes et du regard glacial dont le grand Commandant Menduil aimait tant le gratifier.
Seul dans le vaste couloir où l’on entendait que le cliquetis de la grande horloge, Aesril baissa les yeux vers ses vêtements couverts de boue séchée et vers ses mains. Il n’en revenait pas du pouvoir qui l’avait habité à ce moment-là. Mais désormais, il ne ressentait plus cette merveilleuse sensation. Il se serait juste misérable. Il avait froid et son nez lui faisait atrocement mal. Prudemment, il avança ses mains vers celui-ci et la douleur s’intensifia un peu plus. Il grimaça. Ça semblait bel et bien cassé… « J’aurais dû les tuer… » se dit-il finalement. « Sitôt que je remettrai les pieds dehors, ils seront là, à m’attendre. » Cela dit, ça ne pouvait pas être pire que le sort que Père lui réservait. Il passa son visage dans ses mains. Qu’allait dire son père ? La peur s’empara à nouveau de lui.

Il n’eut pas le temps d’y réfléchir plus longtemps car la porte s’ouvrit à la volée et le garde sortit du bureau.

— Ton père t’attend à l’intérieur, jeune homme, lui-dit il avec bienveillance.

Voyant sa réticence, il insista :
— Allez, vas-y.

Aesril se releva lentement et s’avança vers l’office de son père qui l’attendait, assis à son bureau, comme à son habitude. Il le dévisageait des pieds à la tête, sans prononcer le moindre mot, les lèvres serrées. Aesril avait la sensation qu’une sentence divine allait lui être assénée. Il ravala sa salive et fixa droit devant lui.

— Père…, dit-il tout bas.

Le Commandant Menduil continua de le fixer un instant, ses yeux plus durs que de la pierre. Ce regard était insoutenable pour le jeune enfant. Il baissa les yeux au sol, comme si cela avait la faculté de le protéger.

— C’est ainsi que tu rentres. Est-ce là un accoutrement correct ?
— Non, Père.
— Cherches-tu à apporter le déshonneur sur notre famille ?
— Non, Père.
— Alors qu’est-ce qui t’as pris de te comporter de la sorte ? Es-tu stupide ? Ou seulement fou ? Je croyais t’avoir éduqué selon des valeurs de droiture et de dignité et voilà que tu cherches à te débarrasser de tes camarades à présent ? Qu’est-ce qui te prend ?

La colère s’empara de lui : ce n’était pas juste.

— Ce sont eux qui ont commencé Père ! Ils m’ont frappé sans aucune raison, juste parce que je suis meilleur qu’eux ! Meilleur qu’ils ne seront jamais ! Ils sont jaloux !
— Et est-ce une raison pour t’en prendre à eux de cette manière ? Grandis un peu. On ne se débarrasse pas de ses problèmes par la magie. La magie est un art noble quand il est utilisé avec sagesse. Toi, tu t’es laissé bêtement dépasser par ce pouvoir.
— C’est faux ! rétorqua vertement Aesril. J’ai fait ce que vous m’avez demandé ! J’ai combattu ma peur ! Je leur ai fait face !
— Comment oses-tu me réponde de la sorte ? N’oublie pas quelle est ta place. Je suis ton Père et tu me dois obéissance.

Le Commandant avait parlé sans hausser le ton, mais sa voix était plus tranchante que de l’acier. Le coeur d’Aesril battait à tout rompre contre ses tempes, terrorisé.

— Je t’ai dit de combattre ta peur Aesril, pas de tuer d’autres élèves ! Que vais-je bien faire de toi ? Tu ne veux rien entendre. Si les autres se comportent ainsi avec toi, c’est parce que tu as laissé voir ta faiblesse. Tu dois te débarrasser de cela. Être le « meilleur » comme tu dis n’est pas suffisant si tu n’es pas capable de te maîtriser.
— Alors j’aurais dû les laisser me frapper ?! - lança le jeune Altmer.
— Tu aurais dû faire passer ta famille et ton honneur avant ton égo, voilà ce que tu aurais dû faire !

Aesril n’y comprenait plus rien. Il avait le sentiment que rien de ce qu’il pourrait faire ne satisferait jamais Père.

— Oui, Père… finit-il par dire à contrecoeur, la gorge serrée.
— Tu es consigné dans ta chambre jusqu’à nouvel ordre. Je trouverai une solution avec tes professeurs pour faire cesser cette folie. On parle déjà bien assez de toi et cela finira par avoir des répercussions sur notre famille. Va, à présent. Et prends un bain. Ton allure est indigne de ton nom.

Dès qu’il eut quitté le bureau de son père, Aesril se dirigea vers sa chambre, mais son regard fut attiré par un rayon de lumière dans la salle attenante. Sa mère s’y trouvait, elle peignait, comme à son habitude, parée d’une robe de soie blanche et bleue, sa favorite. Elle affichait un visage serein qui se changea en affolement quand elle aperçut son fils dans l’encadrement de la porte.

— Aesril ! Mais que s’est-il passé, mon enfant ? Tu t’es encore battu ?

Aesril contempla les yeux verts de sa mère. Il voulait lutter contre son chagrin, prouver à son père et à lui-même qu’il était fort. Mais en la voyant, toute détermination l’abandonna.

— Mère… dit-il, la voix étranglée, les larmes aux yeux.

— Oh, mon Rayon de soleil, que t’est-il encore arrivé…

— Je… ils m’ont frappé, Mère. Les autres enfants. Je voulais… je voulais juste que ça s’arrête. J’ai utilisé mes pouvoirs. Je ne voulais pas… je ne savais pas quoi faire d’autre…

Le regard de sa mère s’assombrit dans un expression mélancolique. Elle exécuta un gracieux geste de la main et les traces de coups s’estompèrent sur le corps d’Aesril. Une légère bosse demeura sur son nez, mais il cessa de lui faire mal. L’enfant s’émerveillait toujours des pouvoirs de guérison de sa mère.

Elle tourna les yeux vers la fenêtre, contemplant la mer scintillante d’Étincelance.

— Sais-tu pourquoi j’aime tant peindre ? - Elle marqua une courte pause. - Parce qu’aussi beau que paraisse ce monde, les Hommes et les Mers parviennent toujours à la salir. Sur une peinture, tout est immuablement beau, éternel. Ne laisse pas les autres te faire croire qu’il y a de la laideur en toi, Aesril, ce n’est que leur propre peur de ce qui les dépasse qu’ils laissent transparaître. La magie est un don, un pouvoir formidable que tu te dois d’entretenir. Tu peux accomplir de grandes choses avec ce don. Nous ne sommes pas les créatures les plus à même de pratiquer la magie pour rien. N’oublie jamais cela.

Elle se tourna vers lui et plongea ses yeux dans les siens avec intensité.

— Peu importe ce que peuvent dire les autres. Tu es puissant. Tu es talentueux, tu es intelligent. Prouve-leur. Joue leur jeu s’il le faut. Mais ne les laisse pas gagner. Je te laisse cette marque sur le nez. C’est le souvenir du jour où tu as décidé de ne plus laisser la laideur, gagner, tu comprends ? Le jour où tu as décidé d’embrasser ce que tu es, au fond de toi, peu importe ce que l’on en dira. Peu importe ce que ton père dira. Tout comme les autres, lui aussi a peur de ce qui le dépasse et de ce qu’il ne peut maîtriser.

— Mère…

Aesril n’était pas sûr de comprendre pourquoi sa mère était devenue d’un seul coup si solennelle. Mais il comprit ce qu’elle voulait lui dire. Il comprit qu’elle était de son côté et qu’elle le serait quoi qu’il arrive.
Elle se releva, ayant retrouvé sa bonne humeur habituelle.

— Bien, allons te trouver une tenue de rechange, à présent. Tu dois être frigorifié.

Aesril ne pouvait s’empêcher de repenser aux paroles de son père et de sa mère. S’il voulait s’en sortir, il allait devoir être ce que l’on attendait de lui. Prétendre être la moitié de ce qu’il était. Ce monde n’était pas fait pour la différence. Aussi devrait-il se fondre dans la masse. Faire semblant. Le temps qu’il devienne assez puissant pour que plus personne ne soit capable de lui dire quoi que ce soit ou de le consigner dans sa chambre. Il décida d’ailleurs de mettre ce temps de punition à profit pour apprendre à développer son pouvoir.
Revenir en haut
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum