Le jeu du chat et de la souris

Rappel du premier message :

On ne sait s'ils s'apprécient, on ne sait s'ils se comprennent, mais leurs échanges sont toujours... piquants, surprenants, audacieux, mystérieux, authentiques ?

Ici se développe les interactions complexes qui poussent Phèbe et Valriel toujours un peu plus dans leurs retranchements...

Phèbe a écrit:- Seul ceux qui enfermés ont été libéré de leur chaîne comprennes ce que la liberté à de pervers. 

Il fronça les sourcils. Il n'était pas certain de comprendre ce qu'elle voulait dire par là. Parlait-elle des nombreux sacrifices que la liberté, la véritable liberté impliquait ? Et quel sens donnait-elle à ce mot, au juste ? Il s'extirpa de ses pensées pour mieux l'analyser. Il détailla son visage qui commençait à afficher les effets du temps, là où le sien n'avait pas encore beaucoup vieilli, malgré les quelques cicatrices et les rides qui commençaient à peine à se dessiner sur sa peau. Son air grave et si solennel lui donnait l'impression qu'elle était plus âgée encore, qu'elle avait vécu plus d'une vie de tourments. Il l'observa baisser les yeux sur ses mains. À quoi pouvait-elle bien penser en ce moment ?

Une sensation surprenante lui vint. Il avait l'impression qu'il avait amorcé une connexion avec elle. Son attitude, sa façon d'être... Il avait le sentiment de la comprendre et qu'elle le comprenait. Mais il n'était pas sûr d'apprécier cela. Comme si cela le tirait hors du piédestal confortable sur lequel il s'était isolé durant si longtemps. Comment aurait-il agi s'il avait été confronté à une personne dans le même état que lui ? Il ne se l'était jamais figuré. Il n'avait pas songé que ce fut possible. Et sa question le surprit d'autant plus.

- Comment ai-je fait pour ne pas disparaître ? Par Auri-El...

Sans s'en rendre compte-t-il se massa la tempe d'une, main, en pleine réflexion. Ce n'était pas une mince question. Elle soulevait toute sa vie, tous ses choix et il n'était pas certain lui-même d'avoir terminé cette quête intense. Jusqu'à quel point pouvait-il lui parler de cela ? Il recroisa les mains et répondit, le regard dans le vague.

- J'ai choisi de sortir du cadre. De ne plus être un pion, mais le maître du jeu. De m'affranchir des règles. J'ai essayé au début. De m'y plier, de les comprendre. Mais chaque fois, cela impliquait que je ne sois que la moitié de moi-même. Et chaque fois, ce n'était pas suffisant. J'étais piégé dans le labyrinthe, toujours limité par mes choix. 

Il ramena ses yeux vers elle et l'interrogea du regard. 

-Dites-moi Phèbe... Comment en êtes-vous venue à me poser une telle question ? Serions-nous en train de nous comprendre malgré tout ?

Le brétonne rejette sa tête en arrière. La structure du plafond est trop simple pour occuper son esprit. Las elle masse ses paupières et remet son attention sur lui.

- Je n'ai jamais dit que nous ne pouvions pas nous comprendre. Vous ne voyez pas? Que c'est ce que je veux? Je ne demande rien de plus... vous comprendre.

Et les yeux gris rencontrent les yeux verts. Pas de confrontation pour une fois, elle n'est pas là pour se battre.

Il n'était pas satisfait de cette réponse. Il avait la désagréable sensation qu'elle l'écoutait parler sans lui partager son propre ressenti. Mais comme elle plongea ses yeux dans les siens et comme elle ne semblait plus emportée dans son habituelle attitude vindicative, il se laissa faire et chercha un peu plus à comprendre son comportement. Cette fois-ci, cela ne ressemblait pas à un piège. Ou si c'était le cas, elle était très douée.

- D'accord, vous voulez me comprendre, commença-t-il doucement. Vous voulez me montrer que vos intentions à mon égard sont dénuées de malice. Mais quelle est la finalité de tout ceci ? Que suis-je pour vous au juste ? Je ne saisis tout simplement pas...

Soudain il semblait à nouveau tendu et Phèbe soupira profondément sans s'en cacher.

- Pourquoi faudrait-il que je place une petite étiquette à côté de votre nom qui décrirait précisément le genre de relation que j'entretiens avec vous? Je ne sais pas, je ne suis pas douée avec ses choses là. Les gens... Ce que je veux dire c'est que si j'étais encore dans le schéma de simplement avoir des alliées et des ennemis, des amis et des rivaux, nous ne serions pas en train d'avoir cette conversation. 

Parce qu'on tombe amoureux de son geôlier. Parce qu'on devient ami avec celui qui nous a percuté. Parce qu'on hais celui qui nous à élever. Parce qu'on est dégouté par celle avec qui on a partager sa vie.

- Les gens sont compliqués et le relations encore plus. Je ne vous apprend rien! Je ne saurais pas qualifier ce que je souhaite représenter pour vous. Tout ce que je sais... c'est que si j'avais la possibilité de gagner votre confiance, de vous prouver ma sincérité et pouvoir d'un quelconque façon vous soutenir... Et bien je le ferais.

Il hésita, fronçant les sourcils, faisant apparaître un peu plus la ride du lion au-dessus de son nez. De toutes les personnes qu'il avait rencontrées parmi les Compagnons, Phèbe était la seule qu'il distinguait vraiment des autres. La seule qu'il avait eue à la fois envie de repousser et de comprendre en même temps. Elle lui semblait en dehors de cet univers. Inappropriée. Elle lui semblait... Il préféra ne pas y penser.

- En effet. Je serais bien prétentieux de dire que je comprends les relations. Simplement... Je cherche à vous comprendre, moi aussi. Vous m'avez fait venir ici, dans vos quartiers pour discuter de philosophie, de la vision du monde... Je ne prétendrais pas être moi-même tout à fait en phase avec les conventions, mais... Je n'ai jamais connu quiconque qui ferait une chose pareille. Non pas que je ne trouve pas cet échange appréciable, bien que tout à fait surprenant. Mais... me soutenir ? Pourquoi pensez-vous que j'aie besoin de soutien ?

La discussion commençait à devenir complexe, même pour lui. Il ne savait plus s'il jouait toujours à un jeu pour mieux s'en sortir ou s'il avait envie de rester ici à analyser cette personne de plus en plus singulière qu'il avait en face de lui et qui semblait lui parler avec les mots de la vérité.

Phèbe se sentit plus lasse que jamais. Le poids de ses mots lui pesait, peut-être était-elle aller trop loin. Peut-être avait-elle sur estimer ses capacités d'analyse. Peut-être que tout n'était que dans sa tête. Elle s'était tellement penché sur ce problème que ça en été devenu une obsession. C'était stupide oui. Que faisait-elle à harceler un écuyer sous sa responsabilité en pleine journée?

- Je ne sais pas. Je ne sais pas pourquoi j'ai pensé ça.

Elle avait perdu de vue l'essentiel, ce n'était pas dans ses habitude et cela la perturba. C'était-elle trop mis à nu devant lui? Avait-elle dévoilé ses faiblesses? C'était-elle exposer au danger? Que savait-il de lui? Elle se maudit. Ce moquait-il d'elle en la flattant d'avoir la conversation agréable? Essayait-il de la mettre dans sa poche, de l'attendrir, pour dévier son attention? Elle le savait brillant, elle sentait qu'il masquait son potentiel intellectuel autant que magique. Jamais il n'aurait d'intérêt à partager une conversation ensemble  et c'était impossible qu'elle soit agréable. Il mentait forcément. Il voulait la manipuler. Ils le voulaient tous non? La faire danser entre leur griffe. Elle se leva pris le verre des mains de Valriel pour le déposer sur le plateau.

- Vous avez raison, j'accapare votre temps sans raison. Si vous aviez besoin de qui que se soit, vous auriez su trouver de l'aide et se n'est certainement pas auprès de moi qui vous harcèle sans relâche. Vous pouvez disposé de votre journée, vos tâches seront redistribué à d'autre Compagnons. Je m'assurerais qu'il n'y est aucune répercutions.

Il ouvrit les mains, les paumes vers le ciel, les doigts écartés, désemparé, fixant l'emplacement où se trouvait initialement le verre. Il n'y comprenait plus rien. D'un coup, le visage de Phèbe s'était fermé, d'un coup, le contact qu'il avait ressenti s'était dissipé. Elle avait placé un mur face à lui. Avait-elle fini par penser qu'il était une menace, comme toutes les personnes qui avaient entrevu ce qu'il était vraiment ? Avait-il eu tort de parler de ses réflexions profondes ? Pourtant, il avait gagné le jeu. Il pouvait sortir, quitter cette pièce sans esclandres et sans répercussions. Alors pourquoi avait-il la sensation d'avoir perdu quelque chose ?

Sans même s'en rendre compte, il scruta la pyromancienne, cherchant son regard, penaud. Devait-il lui poser la question ? "Lève-toi et sors, pauvre idiot... Elle t'en a donné l'autorisation." Mais une chose l'empêcha de faire cela. Elle avait semblé saisir ce qu'il voulait dire. Il savait qu'il avait touché quelque chose, pour une fois. Et pourtant, elle agissait en pleine contradiction avec ses paroles précédentes. Il ne supportait pas de ne pas comprendre. Cela n'avait pas le moindre sens.

Alors, il demeura assis sur son banc. Il questionna d'un ton dénué de froideur ou de colère, mais simplement dépité, sans entrain :

- Que se passe-t-il, Phèbe ? Qu'ai-je dit de mal ? Pourquoi soufflez-vous le chaud et le froid en permanence ?

Elle se mit à tourner dans l'espace restreint comme un lion en cage. Elle voulait exploser, crier, s'énerver! Elle voulait cracher son venin. Mais elle savait qu'elle regreterait ce flot de parole dès qu'il sortirait de sa bouche. Elle était si contrarié qu'une veine pulsait sur sa tempes. Pourtant elle luta bravement contre son habitude colérique. 

Elle finis par se planter derrière le siège pour agripper le dossier. Elle ne trouve pas les mots. Ce jeu est si demandant. Elle est si fatiguée. Mais que dire que taire. Elle décide de répondre à sa question le plus simplement possible.

- Vous avez demandé ce qui me faisait croire... que vous aviez besoin de soutien.

Phèbe serre le bois et ses ongles crissent sur la laque.

- Cela me... contrarie. Car soit dans un cas j'ai raison mais je viens de realiser que la façon dont je me comporte et honteuse car elle outrepasse mes droits et ne respecte pas votre personne... soit j'ai tord et... je suis une bien plus mauvaise personne que je n'aime à l'imaginer....

Elle se détourne de lui pour ajouter :

- Vous devriez commencer à me connaître non? Quand mes sentiments prennent le pas... je me braque immédiatement. 

Elle pince c'est lèvre. Son orgueil souffrait d'admettre cela devant lui.

Sa réponse n'avait pas le moindre sens à ses yeux. Elle avait amorcé quelque chose, puis s'était arrêtée, l'énervement semblait la gagner et voilà qu'elle parlait de sentiments ? Cela s'annonçait mal. Elle semblait en proie à un tourment qu'il lui semblait difficile à maîtriser. Il avait déjà mis tellement de choses en jeu en ôtant ses bandages, en lui parlant avec sincérité... Mais il savait qu'il avait manqué une occasion de se taire. Son discours décousu l'égarait. Il fallait qu'il sorte de tout ceci tant qu'il en était encore temps. Et en douceur, de préférence. Il se releva, reprenant ses bandages à la main et demanda avec perplexité :

- Des sentiments ? Phèbe, de quoi parlez-vous ? Et en quoi vos agissements font-ils de vous une mauvaise personne ?

Il jeta un petit coup d'oeil au présent de Mélicendre. Cela non plus, il ne faudrait pas qu'il l'oublie ici.

Phèbe suivit très bien le regard de Valriel et fut soudainement très agacés:

-Quoi? Vous êtes impatient de faire mumuse avec le nouveau joujou de votre complice préférée?! 

Elle saisit le paquet dans la main. Sa main se crispa mais elle n'abima pas le cadeau, le souvenir de Kudro la retenant. Elle hésita un instant à le fracasser au sol. Elle se demanda s'il elle ne devrait pas le confisquer pour l'étudier en prétextant qu'il n'eut pas du recevoir de colis ici... Mais cela été une réponse infantile qui serait purement et simplement de l'abus de pouvoir. Fermement, elle lui fourra dans les mains.

- Puisque je suis si opaque pour vous, et que cette conversation vous ennui, vous n'avez qu'à fichez le camp!

Valriel récupéra le paquet que lui rendait Phèbe, lui lançant un regard affligé, hochant lentement la tête de droite à gauche avec contrariété, serrant la mâchoire. "Elle ne comprend vraiment rien..."

- L'espace d'un instant, j'ai cru que l'on... Que je... Que l'on se comprenait. Enfin, laissez tomber, souffla-t-il avec amertume.

Il prit un air volontairement faussement mielleux.

- Vous avez raison sur toute la ligne à mon sujet. Merci infiniment pour votre temps Vicomtesse Valtergi. 

Il remit ses bandages avant de s'incliner profondément et de quitter la pièce d'un pas pressé.

Phèbe claqua la porte derrière lui. Elle avait essayé si dur de l'approcher et elle venait de tout gacher. Elle se mit à trembler. Et si il n'essayais pas de la manipuler? Et si il était sincère? Etaient-ils....similaires? 

Ses tremblements s'accentuent et elle s'affaire vers le siège pour ne pas s'écrouler. Valriel était trop compliqué. Valriel lui causait tant de soucis? Aurait-elle du le laisser tranquille? Abandonner? Faire comme tout le monde et ne voir en lui qu'une chose, un simple écuyer? Elle avait tout gâcher de toute façon. Il ne viendrait jamais plus interagir avec elle. Elle réalisa: avait-il une seule fois amorcer la conversation? Elle pensa à la muraille, oui mais ça c'était par devoir: il voulait la rembourser. Non, elle était un personne imbuvable, pourquoi chercherait-il à lui parler? Qui d'ailleurs dans cette Citadelle le voudrait. Elle sentit les émotions monter dans ses yeux. Quand une larme s'écrasa sur son genoux, elle sursauta. 

Non. Elle ne pleurait pas pour des pacotilles, ce n'était pas elle! Elle était exténuée de sa nuit blanche. Elle manquait juste de sommeil. Oui, c'était cela. Voilà pourquoi elle était si affecté par le départ de Valriel. La fatigue. Phèbe claqua ses mains sur ses joues pour arrêter la fuite. Elle verrouilla la porte et fila se coucher.