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Le retour aux sources Empty Le retour aux sources

Dim 4 Juil - 19:47
Stros M'Kai


Elle souffle. Soupire. Se retourne sous les couvertures. L’oreiller chaud lui donne le sentiment de lui irriter la peau. Elle voit les premiers rayons du jour poindre sous ses paupières, douloureuses à force d’essayer de les garder fermées. Il n’y a rien à faire : le sommeil se refuse à elle, cette nuit encore. Dès qu’elle s’assoupit, elle est est réveillée par les battements de tambour de guerre de son coeur contre ses tympans. Elle délaisse la couche de Ghorthul depuis de nombreuses nuits, le moindre ronflement, l’irritant au plus haut point. Ses pensées tourbillonnent dans son esprit en un flot incessant. Cela fait des jours qu’elle est dans cet état et l’impression de perdre pied devenait de plus en plus fréquente. Elle s’était refusée à laisser ses émotions prendre de l’importance, se perdant dans le travail, les nombreuses tâches à la Citadelle, les rencontres diplomatiques, les réunions au Consulat Supérieur, les demandes aussi nombreuses que variées de Compagnons, la gestion du Magisterium et des excentricités d’Octave ainsi que son entraînement au combat magique, qu’elle intensifiait chaque jour un peu plus. Mais toutes ces stratégies ne trompaient pas son esprit qui la ramenait irrémédiablement vers un seul et même point : elle était surveillée. Et pas par n’importe qui, par la personne qu’elle haïssait le plus. Par le Mer qui l’avait trahie.


Dès qu’elle fermait les yeux, elle le voyait tel qu’elle l’avait connu, avec ses yeux rieurs, ses cheveux ondulés par la mer, la grâce de ses gestes assurés et précis. Et elle entendait sa voix aussi, calme et modérée, rassurante, comme si rien de mauvais ne pouvait jamais se produire. « Quelle belle illusion était-ce là… » songea-t-elle, avec amertume. Elle n’avait de cesse de se demander pourquoi il était revenu dans sa vie et surtout, pourquoi il se cachait. « Je ne devrais pas m’en étonner… un lâche comme lui ne pourrait jamais m’affronter en face. Il préfère user de ruse et de sournoiserie pour me faire peur. ». Se perdre dans la colère et dans le ressentiment était tellement plus simple dans ces moments-là, plutôt que d’affronter la crainte qui lui tordait les entrailles à l’idée de le confronter.


Mais elle se refusait à rentrer dans son petit jeu, elle ne voulait pas être traquée, guettée. S’il avait réussi à la retrouver ici, à la Citadelle et au Magisterium, ses deux refuges, censés la mettre en sécurité de l’extérieur, c’est qu’il en savait déjà beaucoup sur elle, plus qu’elle ne l’aurait voulu. Et elle avait bien l’intention de renverser la situation.


« Si j’étais Aesril, et que j’étais à ma recherche, où est-ce que j’irais fouiller en premier ? ». Elle lui avait dit tout ce qu’il y avait à savoir sur elle à l’époque, hormis son véritable nom, celui qu’elle avait avant de monter à bord du Dévoreur de Sloads. Mais depuis, sa vie avait pris des chemins très différents. Alors, par où commencerait-il ? « Je retournerais aux sources. » trancha-t-elle subitement, en se relevant d’un coup, repoussant les couvertures. « Je retournerais au Couchant pour découvrir ce que je suis devenue et j’irais à Stros M’Kai pour voir si je n’y suis pas retournée ou s’il reste des souvenirs qui pourraient m’orienter. »


Elle bondit hors de son lit et se dirigea à toute vitesse vers une étagère remplie de livres et de fioles au sommet de laquelle des parchemins roulés prenaient la poussière. Se mettant sur la pointe des pieds, elle attrapa l’un d’eux et le déroula sur son bureau. C’était une carte sur laquelle on pouvait lire « Stros M’Kai - Royaume de Lenclume ». Elle n’avait jamais vraiment su où elle s’était échouée lorsqu’elle était arrivée sur l’île, mais voyant à présent l’agencement des lieux, elle comprit qu’elle n’aurait pu traverses l’Épine - une grande bande de rocher - qu’avec une chance insolente. « N’était-ce pas déjà le cas que de m’échouer pile sur cette île ? », se demanda-t-elle finalement, réalisant qu’elle aurait pu dériver encore longtemps dans la mer Abécéene ou se fracasser le crâne contre un rocher. Toutefois, le plus évident était de commencer par le Nord de l’île. Oui. Elle commencerait par Stros M’Kai. Elle doutait d’y trouver véritablement quelque chose, mais elle était convaincue qu’en allant là-bas, elle suivrait ses traces.



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Elle roula la carte et la fourra dans une grande sacoche de cuir souple, dans laquelle elle mit quelques potions, une boussole, de quoi prendre des notes, une gourde d’eau, une peu de nourriture et quelques parchemins d’enchantement. Après quoi, elle partit enfiler des vêtements légers et pratiques et se prépara à partir. « Oui, mais partir d’où ? Je n’ai jamais fait de portails depuis cet endroit… » Elle avait besoin d’avoir l’empreinte magique des lieux ainsi que de la position des étoiles pour s’y rendre. Sans cela, le déplacement serait hasardeux. « Cela dit, je pourrais utiliser mes souvenirs pour essayer d’en faire un portail… ». Elle réfléchit : la traversée en bateau, même depuis le Trépas de Cognées serait longue. Et elle avait déjà perdu trop de temps. Tant pis, elle essaierait de faire un portail. Après tout, il lui semblait que ce lieu était ancré dans sa mémoire. Elle se concentra, se remémorant la position des étoiles, les odeurs et les sons… Bientôt le portail s’ouvrit et elle s’y engouffra.



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Un éclat de lumière déchira le ciel du matin d’un bleu immaculé et la sorcière en sortit, projetée avec force sur le sable, la tête la première. Elle cracha les grains qu’elle avait avalés dans le processus, se frotta les cheveux et, se relevant douloureusement, massant ses membres endoloris, épousseta ses vêtements.

- Ah… Il faut vraiment que j’arrête d’être aussi pressée… le bateau, ce n’était peut-être pas une mauvaise idée, après-tout…


Elle jeta un regard circulaire aux environs : ça ressemblait bien à Stros M’Kai, mais elle n’était pas certaine de reconnaître le lieu. Elle vérifia la position du soleil et consulta sa carte. À vue d’oeil, elle ne devait pas être tombée bien loin de l’endroit qu’elle visait. Ne restait plus qu’à trouver la mer et elle aurait une meilleure vue d’ensemble. Elle marcha ainsi dans les vallées ouvertes de l’île. La matinée venait à peine de débuter et pourtant, la chaleur était déjà pesante. Mais, au bout d’une bonne heure de marche,  l’air marin, balaya rapidement cette sensation et offrit une plaisante bouffée d’air frais à Elia qui prit une profonde inspiration comme pour mieux saisir l’instant. La brise souleva ses cheveux en un souffle plaisant, rafraîchissant. Elle sourit. Que cette parenthèse de vie, loin de tout, lui avait été plaisante à l’époque. Il ne lui fut pas difficile de comprendre pourquoi les choses lui avaient paru si simples et si évidentes durant les semaines qu’elle avait passées sur cette île, ce petit paradis qui ne ressemblait à rien de ce qu’elle avait connu auparavant.


Sa gorge se noua en repensant au Dévoreur de Sloads, à cette seconde famille, qu’elle avait perdu en un éclair. Gjarmund avait été comme un second père pour elle. Bienveillant, autoritaire, vif, mais aussi capable de tendresse. Il avait toujours veillé sur elle durant les trois années qu’elle avait passé à bord du navire. Il lui avait payé son premier bâton et l’avait entraînée au combat naval, à esquiver, à éviter les lames, à parer les attaques. Combien de fois l’avait-il mise hors-jeu, lui avait-il fait mordre la poussière, afin de lui montrer ses failles et ses faiblesses, afin de lui apprendre à ne pas craindre la défaite ? Elle pouvait encore entendre son rire tonitruant, chaque fois qu’elle échouait lors de ses entraînements… « Hahaha ! Tu es morte, jeune fille, encore ! Allez, r’lève-toi, tu ne vas pas laisser un vieux loup-de-mer te faire mordre la poussière, hmm ? Ne doute jamais, lors d’un combat, c’est cette fraction de seconde qui peut t’sauver la vie. »

- Oh, Gjarmund, j’aimerais tant que tu sois là… Toi, tu saurais quoi faire.


Pendant quelques minutes, elle regarda la mer, pensive, avant de reprendre sa route, d’un pas vif.
Désormais, elle savait où elle allait, elle reconnaissait les lieux qu’elle avait parcourus tant de fois, durant les longues promenades et les parties de chasse et de récolte qu’Aesril et elle faisaient si souvent avec bonheur. À cette époque, ils se disaient souvent qu’ils étaient comme deux enfants perdus, aussi insouciants et chamailleurs et ce, en dépit des cinquante années déjà bien avancées de l’Altmer. Tout était sujet à la plaisanterie et au défi : qui gravirait la falaise le plus vite, qui récolterait le plus de fruits, qui serait le premier à se jeter à l’eau.
Il l’attrapait pour l’envoyer toute habillée dans les vagues, elle lui lançait des baies à la figure jusqu’à ce que ses joues en soient maculées et ils s’amusaient de leurs jeux innocents et de leur vie de bohème. Tout semblait si facile…
En se remémorant ces instants, le trouble vint la hanter un peu plus. Comment, alors qu’il paraissait l’aimer, alors qu’elle pouvait lire autant de bonheur sur son visage, comment avait-il pu la livrer aussi facilement à la justice et la faire accuser de crimes qu’elle n’avait pas commis ? Son bonheur avait-il été feint, lui aussi ? Tout ce qu’ils avaient vécu ensemble n’avait-il été qu’un mensonge, une vaste farce, visant à la ridiculiser, à lui faire comprendre que rien tel que des sentiments désintéressés ne pouvait exister ? C’était si dur à croire… Et pourquoi faire semblant ? Pourquoi la sauver et prendre soin d’elle, alors qu’il aurait aussi bien pu la laisser mourir sur cette plage ?

Ces questions douloureuses s’étranglaient dans son esprit, sans trouver de réponses et furent rapidement chassées par la vue d’un paysage qui renvoya à sa mémoire une vague déferlante de souvenirs aussi doux qu’amers. C’était ici. C’était là qu’était leur ancienne cabane. C’était sur cette plage qu’elle s’était échouée, dans ces eaux qu’ils avaient nagé, sous ces palmiers qu’ils s’étaient abrités, sur ce sable qu’ils s’étaient étendus, sous ces étoiles qu’ils avaient fait l’amour… Elle avait immédiatement reconnu l’arbre calciné qu’ils avaient brûlé en jetant un sort de foudre trop puissant.


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Elle marcha jusqu’à l’ancien emplacement de la cabane. C’était lui qui l’avait construite. Elle n’était pas parfaite, mais à l’époque, ce lieu lui avait semblé plus beau que n’importe quel palace. Elle se souvenait de l’atelier d’alchimie improvisé qu’il s’était confectionné et des volutes de vapeurs colorées qui en sortaient, des plantes qui séchaient la tête en bas, accrochées au plafond, du modeste lit de paille et de peaux, de la quantité de livres qu’Aesril laissait toujours traîner un peu partout et des instruments magiques étranges dont elle ne connaissait pas l’utilité. Elle était loin de se douter de leur importance. Mais aujourd’hui, il ne restait plus rien de leur univers que quelques planches ensablées. Le Domaine avait pris soin d’effacer toutes les traces de leur passage et de récupérer chaque objet leur ayant appartenu. Elle se souvint du déchirement qu’elle avait éprouvé quand les officiers de la Poursuite Divine avaient brisé sous ses yeux le bâton qu’Aesril avait fabriqué pour elle avant de le jeter au sol. Elle ramassa un bout de planche à demi-enseveli et caressa doucement le bois pour en retirer le sable.

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« Cette cabane est autant la mienne que la tienne, Elia. Ce sera notre refuge. Ici, personne ne viendra jamais nous déranger. Et s’ils viennent, nous déploierons la foudre, des éclairs si grands, qu’ils penseront que le ciel s’effondrera sur eux ! ».
Comment était-ce possible que les choses aient tourné ainsi, alors qu’ils se voyaient affronter le monde ensemble, comme deux esprits libres, éternellement insaisissables ? Elle savait que tout comme elle, Aesril fuyait, mais elle n’avait jamais su ce à quoi il essayait tant d’échapper, la Poursuite Divine mise à part.

Elle lui avait tout offert de sa personne. Elle l’avait laissé la modeler, lui apprendre une certaine façon de manier la magie, une façon qui n’existait dans aucun livre et qui ressemblait tellement à Aesril quand on y réfléchissait bien. Elle lui avait raconté ses rêves, ses désirs, ses peurs et son passé. Et lui, que lui avait-il dit finalement ? Que savait-elle de lui, au juste ?
Bien sûr, il s’était confié à elle, lui aussi. Ils avaient toujours eu de si longues discussions très animées. Ils parlaient de l’avenir, de projets, de magie, des possibilités qu’offrait la vie, des gens et des relations et il s’était toujours étonné de cette vision qu’avait Elia dont il disait qu’elle lui rappelait sa propre personne à son âge. Lorsqu’elle l’interrogeait sur son passé, il restait toujours très évasif, comme si ce sujet était douloureux pour lui.

« Mon père… », avait-il fini par lâcher un soir, en évitant son regard. « Mon père n’est pas quelqu’un de bien. Et les gens du Couchant, de manière générale. Ce n’est qu’un voile de beauté qui cache un fond de laideur. Je n’ai jamais vraiment eu l’impression de trouver ma place… À part ici. Avec toi. »


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Ils avaient longuement discouru sur les attentes des parents et sur la difficulté de leur tenir tête, mais avec le recul, Elia se rendait compte qu’Aesril avait passé beaucoup de temps à l’écouter avec attention, plus qu’à partager de véritables détails sur sa propre vie. Aucun de ces souvenirs ne lui était vraiment utile… Elle attrapa une pierre ronde qu’elle lança avec force dans l’eau. Ce geste simple lui fit du bien et elle contempla un moment les ondulations se répandre sur la mer. Assommée par la chaleur et par le soleil qui cognait contre sa tête, l’envie de se rafraîchir un peu était forte. Elle s’assit sur le sable et délaça ses bottes, ôta ses vêtements. Ici, il n’y aurait jamais personne pour la voir. Elle marcha dans l’eau avec bonheur jusqu’à s’immerger complètement. Quelle douce sensation… Ils avaient toujours aimé nager. Ils passaient d’ailleurs une bonne partie de leurs journées dans l’eau, quand ils ne s’entraînaient pas à la magie, qu’ils ne lisaient pas, qu’ils ne chassaient pas ou qu’ils ne partageaient pas d’instants charnels passionnés. Elle fut heureuse de se trouver dans l’eau pour ne pas ressentir la brûlure de la chaleur qui irradiait son bas-ventre en se remémorant ces moments.

Elle s’était toujours étonnée de l’ardeur de l’Altmer, de son désir aussi intense qu’inattendu. Elle avait toujours entendu dire que les Hauts-Elfes étaient des personnes cérémonieuses à l’esprit étriquées et aux manières coincées, mais Aesril avait toujours été très entreprenant, fougueux et imaginatif. Il maniait l’amour comme il maniait la magie. Pour lui, c’était un autre défi à relever, un autre savoir à maîtriser et il avait toujours tout voulu comprendre d’elle et de ce qu’elle désirait, cherchant à la surprendre et à devancer ses attentes. Il était un maître du contrôle et du savoir, de la recherche et de l’innovation, sur bien des domaines et elle n’avait jamais eu de cesse d’admirer ce génie qui l’animait et qui pouvait le faire parler durant des heures de ce qui le passionnait, lui qui pouvait se murer dans le silence pendant une journée entière, perdu dans ses pensées, dans ses expérimentations, dans ses livres. « Un être si mystérieux… » songea-t-elle.

Il était empli de paradoxes surprenants qui avaient toujours fait son charme à ses yeux. Il pouvait être si sérieux et grave et parfois se révéler sous un jour entièrement différent, presque enfantin, léger, jovial. Il avait cette force calme qui dissimulait un tourbillon de pensées et d’agitation, son esprit bouillonnant toujours de mille idées. Il pouvait avoir l’air extrêmement froid et fermé lorsqu’il s’agissait d’affronter les émotions, mais dès qu’il se laissait aller et qu’il s’abandonnait, il était plus démuni que jamais, cherchant en permanence à comprendre. Elia avait toujours trouvé tous ces aspects touchants et admirables. Malgré sa complexité, elle avait eu l’impression qu’il était vrai, authentique. Entre eux, il y avait cette incroyable alchimie de leurs deux forces brutes qui s’affrontaient et se mélangeaient. Elia n’avait jamais imaginé de partenaire plus adéquat à l’époque, de personne qui sache mieux la comprendre.


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Après avoir fait de longues brasses, elle remonta sur la plage et s’étendit sur le sable, essoufflée, laissant le soleil sécher sa peau, comme elle l’avait fait tant de fois auparavant. Elle ferma les yeux et écouta le remous des vagues, le souffle du vent dans les palmiers, caressant le sable chaud et doux d’une main rêveuse. Était-il revenu ici, lui aussi ? Avait-il remué les souvenirs du passé pour mieux les saisir ? Elle eut alors une idée. Se relevant d’un bond, elle enfila ses vêtements à la hâte sur sa peau encore humide. La tête lui tournait de s’être relevée si vite, mais elle poursuivit sa route. Elle récupéra le morceau de bois, vestige de leur ancien refuge et ferma les yeux pour mieux se concentrer. Peut-être arriverait-elle à capter sa signature énergétique, son empreinte magique ? C’était lui encore, qui lui avait appris à déceler cela, à mieux se focaliser pour ressentir la magie, plutôt que de s’en servir de façon erratique et indisciplinée, comme elle en avait l’habitude.

Au début, elle ne sentit rien, rien d’autre que le contact du bois. Et puis, au bout d’un instant, de façon ténue, une sensation lui parvint, comme un brise chaude, un courant qui la traversait doucement. Elle se laissa guider par cette énergie, attentive à chaque variation. Au bout de quelques pas, arrivant au pied d’une falaise, elle remarqua un détail qui attira son regard. On aurait pu le confondre avec le reste du paysage, mais son intuition lui indiquait que le petit tas de pierres recouvert d’algues et de sable qu’elle avait sous les yeux n’était pas naturel. Elle s’agenouilla, repoussant ses cheveux mouillés dans son dos et entreprit de soulever précautionneusement les pierres, l’une après l’autre. Le sel les avait presque soudées ensemble, mais elle parvint finalement à les décoller pour découvrir… des bouts de bois brisés. Mais elle reconnut alors les motifs délavés de fleurs rouges peints dessus. Son bâton de destruction. Celui qu’Aesril avait fait pour elle. Celui qu’il avait taillé, poncé, enchanté et peint durant de longues heures. Elle prit les morceaux entre ses mains. Elle pouvait encore en sentir l’énergie magique.

Ainsi donc, il était revenu ici ? Mais pourquoi ? Et pourquoi faire cela ? Protéger les vestiges de son bâton des affres du temps avait quelque chose de sentimental. Depuis, elle s’était convaincue qu’il n’avait jamais été qu’un effroyable calculateur, un épouvantable manipulateur et elle s’était persuadée que s’il était revenu, c’était pour lui faire du mal, pour s’assurer que jamais elle ne vienne révéler la vérité sur le fait que c’était lui, le voleur d’artefacts du Collège des Sapiarques. Après tout, cela aurait été logique. Depuis le scandale sur Larnatillë et la mort de Cinnarion, l’étau se resserrait autour de cette vérité inextricable et il avait très bien pu ressentir le besoin d’assurer ses arrières en se débarrassant d’elle une bonne fois pour toutes ou même seulement pour l’impressionner, lui faire savoir qu’il était là et qu’il la surveillait, capable à tout moment de renverser sa vie, de la faire passer à nouveau pour une menteuse.
Mais se pouvait-il qu’il ne soit pas venu pour cela ? Quel autre intérêt pouvait-il avoir à la retrouver ? Ce n’était pourtant pas le genre à se laisser guider par ses sentiments et ses émotions. Et pourtant, son bâton - ou plutôt, ce qu’il en restait - était là, à l’abri, jalousement gardé des vagues et des regards. Un artefact pourtant inutile aujourd’hui. Son malaise s’intensifia. Ce voyage lui apportait plus de questions que de réponses.

Elle regarda les morceaux du bâton brisé un instant, ne sachant quoi en faire. Elle décida finalement de les remettre où elle les avait trouvés. « Le passé doit rester dans le passé ». Ça ne servirait à rien de s’alourdir de plus de souvenirs douloureux. Elle replaça les pierres exactement comme elles étaient et épousseta ses mains tandis qu’elle se relevait, jetant un regard aux environs. Elle ne trouverait rien de plus ici, elle en avait la certitude. Mais les questions que ce retour aux sources avaient soulevé étaient déjà un grand pas en avant. Elle s’était souvenu de ce qu’était Aesril, de la complexité de ce personnage énigmatique. Et elle savait qu’il était revenu ici, peut-être dans le but de se reconnecter lui-même avec ses souvenirs. Peut-être regrettait-il ce qu’il s’était passé ? Cette idée mit Elia plus mal-à-l’aise encore. Cela, elle ne l’avait jamais imaginé, pas une seule seconde, tellement convaincue qu’il savait pertinemment ce qu’il faisait en la livrant à la justice. La tête lui tourna à nouveau.

Elle avait besoin de voir du monde, de manger quelque chose. Mais elle ne voulait pas rentrer à la Citadelle, pas tout de suite. Alors, elle décida de marcher vers la ville la plus proche, au port d’Hunding. La marche fut très longue et l’après-midi était déjà bien avancée lorsqu’elle vit les tours élancées ornées de peinture dorée de l’architecture Rougegarde. Elle déambula le long des quais, humant les odeurs alléchantes de viandes grillées, heureuse de retrouver toute cette animation qui la tirait de l’atmosphère pesante de ses pensées, quand une voix l’interpella :

- Ça alors, mais ce s’rait pas Vifacier ?!


(ce récit amorce également la suite de la présentation du personnage Frigga la Déboiteuse, bientôt disponible)
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Le retour aux sources Empty Le retour aux sources - Le Couchant

Ven 20 Aoû - 1:04
Le retour aux sources - CHAPITRE II
Le Couchant


C’est par une belle fin d’après midi qu’elle arriva à Étincelance. Cela faisait deux jours qu’elle demeurait au Magisterium, incapable de retourner à la Citadelle et d’affronter Ghorthul. Depuis qu’il avait tué Skaald, son ventre se nouait à l’idée de recroiser l’orque. Elle profita donc de se trouver sur place pour poursuivre ses investigations au sujet d’Aesril.

C’est ainsi que, au bout de quelques heures de chevauchée, elle laissa sa monture aux portes de la ville d’albâtre et, gravissant les marches menant à l’intérieur des murs et elle entreprit de déambuler dans les rues, se demandant par où commencer. Elle se dit qu’un commerce serait certainement le meilleur lieu et le plus impersonnel. Elle entra donc au hasard dans la boutique d’un enchanteur.


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— Bonjour Ceruval ! Que puis-je faire pour vous ?

— Bonjour, à vrai dire, j’espérais que vous pourriez me renseigner : je passe voir un vieil ami, mais je ne parviens plus à me souvenir dans quelle rue il réside. Peut-être sauriez-vous où je peux trouver sa demeure ?

— Bien sûr, je connais presque tout le monde ici, vous savez, répondit joyeusement l’enchanteur, visiblement ravi de lui venir en aide. Comment se nomme votre ami ?
— Aesril, répondit Elia, fébrilement.
— Aaah, mais bien sûr, je le connais ! Il habite à quelques rues d’ici, si vous remontez un peu la ville-haute, vous trouverez sa demeure, elle fait face à la mer, il y a un griffon gravé dans la pierre, près de leur porte. Je ne sais pas s’il sera chez lui, par contre, je ne le croise plus aussi souvent qu’avant, ces derniers temps…
— Ah oui ? Depuis combien de temps ?
— Depuis un an ou deux, il vient moins souvent. Mais il paraît que c’est quelqu’un de très occupé, il voyage beaucoup, non ?
— Oui, en effet, toujours à l’affût de la prochaine découverte, je suppose, dit Elia avec un rire amer qu’elle tenta de dissimuler. Merci infiniment, vous m’avez été très utile.

Elle laissa quelques pièces d’or sur le comptoir et le marchand la remercia d’un ample geste de la tête et d’un large sourire.
— Saluez Aesril pour moi, voulez-vous ? Dites-lui que je serais ravi de le revoir à ma boutique, j’ai de nombreux articles qui pourraient l’intéresser.
— Je n’y manquerai pas. Bonne journée à vous, dit Elia en quittant la boutique, faisant de son mieux pour calmer son impatience et ne pas se diriger en courant vers l’adresse indiquée.


« C’était plus facile que je ne l’aurais cru » songea-t-elle. Après tout le mystère qu’il avait établi, elle s’était attendu à ce qu’il brouille les pistes pour qu’elle ne le retrouve pas. Et s’il était chez lui, que ferait-elle ? Bien sûr, elle avait pris son bâton de destruction et elle s’était préparée, mais elle doutait véritablement qu’il se trouve bien sagement chez lui à l’attendre, une coupe de vin à la main, un sourire aux lèvres. Malgré tout, l’appréhension lui noua la gorge.


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Elle arriva rapidement à la demeure indiquée par l’enchanteur, reconnaissant immédiatement le griffon gravé sur le marbre. La lumière de cette fin de journée baignait la résidence dans une magnifique aura dorée et faisait miroiter les vaguelettes sur la mer en contrebas. C’était exactement comme elle se l’était figuré quand elle était plus jeune et qu’Aesril lui avait décrit sa maison.


Le retour aux sources Captur43


Elle monta les quelques marches menant à la porte et, s’apprêtant à frapper, s’arrêta. Anxieuse, elle avait du mal à respirer, ses paumes étaient moites… Elle prit une profonde inspiration… et frappa. Personne ne répondit, alors, elle frappa à nouveau, un peu plus fort. Elle n’avait pas fait ce trajet pour rien. Elle avait retrouvé l’endroit où il habitait et elle avait trouvé le courage de frapper sur cette porte. Elle n’allait pas repartir si facilement. Elle tambourina à présent, déterminée à se faire entendre. La porte s’ouvrit à la volée alors qu’elle s’apprêtait à frapper à nouveau. Elle retint son poing à la dernière seconde devant le visage d’une Altmer à la face ahurie qui semblait véritablement penser qu’elle venait pour la cogner. Elle baissa le bras et se racla la gorge, nerveusement, essayant de prendre une posture détendue, sans succès.

— Hum… Bonjour, ma dame. Je… euh…

L’elfe la regardait à présent avec impatience. Elia savait pourtant pourquoi elle était là, elle savait ce qu’elle devait dire, mais ses pensées s’embrouillaient subitement.

— Eh bien ? Quelle est la raison pour laquelle vous avez cru bon de frapper à cette porte comme si vous étiez un bélier à l’assaut d’une forteresse ?
— Je… Je m’appelle Elia Vifacier et je viens voir Aesril. Est-ce qu’il est ici ?
— Vous venez voir Aesril ? Voilà qui est surprenant, il n’attend pas de visite. Je suis désolée, Ceruval, mais vous allez devoir repartir.

La femme commença alors à refermer la porte et c’est instinctivement qu’Elia la retint d’une main ferme. Elle avait retrouvé toute sa détermination. Elle prit un sourire pincé et lui dit d’une voix faussement mielleuse pour lui indiquer son obstination :
— J’ai fait un long voyage pour venir le voir. Savez-vous quand il rentrera ?
— Je n’en ai aucune idée ! Monsieur ne me tient pas au courant de son emploi du temps personnel et je doute que cela vous regarde également.
— Écoutez…Hum...
— Dorilwën, répondit l’intéressée avec un agacement évident.
— Bien, Dorilwën. Aesril est un ami de longue date et il est très pris. Je veux juste savoir où et quand je pourrais le trouver. Puis-je au moins entrer un moment ?
— C’est hors de question. Je suis navrée, mais…

Une voix féminine vint interrompre la phrase de la domestique.
— Elinara ? Qui est-ce ?


Le retour aux sources Captur44


Une belle Altmer d’âge mûr, les traits fins, les yeux verts, la peau couleur de miel, élégamment vêtue d’une robe bleu azur de soie veloutée, les épaules recouvertes d’un châle de brocard rouge écarlate arriva à leur rencontre.
Elia qui ne comprenait plus si la domestique s’appelait Elinara ou Dorilwën, la regarda, interrogative.

— Cette femme demande à voir Aesril, ma dame. Elle dit être une amie. Je lui ai expliqué que Monsieur n’est pas disponible, mais…
— Quel est votre nom, ma dame ? l’interrompit la belle Altmer.
— Elia Vifacier, répondit la sorcière d’un ton respectueux, exécutant une brève révérence.
— Enchantée, Elia, répondit-elle en une gracieuse révérence. Je me nomme Loralia… Et vous dites que vous êtes une amie d’Aesril, c’est cela ?
— À vrai dire… c’est un peu plus compliqué que cela. Serait-il possible de le voir ?
— Oh, quel dommage, si vous saviez à quel point j’ai longtemps espéré qu’il me présente un jour une dame… Il a toujours été si secret.

Son regard se perdit un moment dans le vague et Elia fut quelque peu mal- à-l’aise de cette remarque si ouverte. La dénommée Loralia parut alors reprendre vie.
— Vous avez une très belle énergie Elia ! Je devine que vous maniez la magie ?
Désarçonnée par la remarque, elle bredouilla :
— Je… euh… oui, en effet.
Elle posa alors une main aux doigts délicats 
ornés de bagues fines et dorées surmontées de pierres précieuses sur le poignet de la magicienne. Elle scruta alors son regard et Elia ressentit une étrange et familière impression en plongeant ses yeux dans ceux de la femme.

— La magie des éléments, n’est-ce pas ? demanda-t-elle, un sourire illuminant son visage. Aesril aussi a toujours préféré cette forme de magie.
— Est-ce que… vous savez où il est ? se risqua à demander Elia, d’une voix douce, désarçonnée par le comportement étrange de l’Altmer.

À côté d’elle, la domestique semblait mal-à-l’aise.
— Aesril ? Oh, non ma douce enfant, dit-elle dans un rire tendre. Il est comme le vent. Un instant il est là et l’instant d’après, il a disparu. Quand je pense qu’avant, il passait tout son temps dans sa chambre ! Mais chaque fois qu’il est là, mon coeur s’illumine !

Un bonheur véritable semblait briller dans ses yeux.

— Mais rentrez, ne restons pas ici sur le pas de la porte. Venez donc discuter avec moi, ce n’est pas tous les jours que je rencontre de nouvelles personnes et je n’ai pas beaucoup de compagnie…
— Madame, l’interrompit la domestique. Monsieur a été très clair. Nous ne devons laisser personne entrer… Surtout en son absence.
— Et alors ? Vous comptez peut-être m’empêcher de recevoir du monde dans ma propre demeure ? Si je ne peux même plus faire ce que bon me semble, autant m’ôter la vie dès à présent.

La domestique semblait tiraillée.
— Mais… Il risque de ne vraiment pas apprécier… - elle dit plus bas - Et nous ignorons tout de cette personne.
— Veuillez montrer un peu plus de respect à notre invitée, Dorilwën. Elia est une amie d’Aesril, nous la recevrons donc comme il se doit. Apportez-nous du thé et du raisin dans le jardin. Et ne nous faites pas attendre, la dernière fois, l’eau était à peine tiède quand vous m’avez servie…

Sur ces mots, Loralia fit volte-face, repartant dans le vaste corridor, sa robe froufroutant dans son sillage. Elia jeta un coup d’oeil rapide à la domestique qui lui adressa un regard noir et elle vit le départ de sa maîtresse comme une invitation à la suivre. Elle entra dans la demeure sans demander son reste. Les lieux étaient typiques d’une maison bourgeoise Haute-Elfe, mais ils étaient étrangement dépouillés, en comparaison avec le luxe auquel Elia avait été habituée au Couchant. Peu de meubles, quelques tableaux posés au sol, près de vieux tapis au tissus élimé.

Elia frémit en parcourant ces lieux, réalisant qu’Aesril était venu ici, avait vécu ici, avait foulé ce sol. Que c’était certainement cette demeure qui l’avait vu grandir. Elle s’interrogea sur l’éducation qu’il avait reçu. Comment pouvait-il en être arrivé là ? Lorsque l’on naît dans un monde où la magie est vénérée, adulée, on ne peut que se sentir à sa place. Alors pourquoi avait-il ressenti la nécessité de s’exiler, de mettre sa vie en péril, de compromettre son avenir en volant ces artefacts magiques ?


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La femme élégante la mena dans un magnifique petit jardin très verdoyant et luxuriant au centre duquel se trouvait une table de marbre ainsi que deux chaises de fer forgé. Elle l’invita à s’assoir et, c’est avec un sourire éclatant qu’elle lui demanda :

— Alors, dites-moi, où avez vous connu mon Rayon de soleil ?

C’est alors qu’Elia en eut la certitude. Elle en avait douté, incapable de déterminer l’âge de la femme. Mais cela était évident. Elle avait les même yeux d’émeraude. Ce même regard pénétrant.
— Aesril est votre fils ?
— Oui, mon unique enfant… J’aimerais qu’il vienne me voir plus souvent.
— Il ne vient pas souvent ?
— Il vient autant qu’il peut, peut-être une fois tous le deux ou trois mois, mais il me manque. Je me sens si seule parfois… Et Menduil ne vient plus me voir.
— Menduil ? Qui est-ce ?
— Mon époux.
— Il est ici ?
— Non… Il… il est…

Elle releva des yeux embués de larmes vers Elia.
— Je ne sais pas où il est. La… la maison… Elle a brûlé… Et cette musique… cette horrible musique. Elle résonne dans ma tête ! Faites-là cesser… Je vous en prie faites-là cesser !

Comme si elle avait été frappée par la foudre, Elia sursauta. Elle n’aurait jamais cru qu’une voix si forte puisse sortir d’une femme si douce. Celle-ci s’était relevée d’un coup, les mains sur la table, les larmes coulant librement sur ses joues, un air de violente souffrance déchirant son beau visage. Décontenancée, la sorcière la regarda un instant, sans savoir quoi faire, puis elle se leva à son tour et passa un bras compatissant autour de l’Altmer. Elle tremblait. Elle l’aida à se rassoir. Troublée, Elia scrutait sur son visage l’immense détresse qui s’y affichait. Elle frissonna.
— Ça va aller. Tout va bien… Je suis désolée d’avoir parlé de cela. Vous me parliez d’Aesril. Cela semblait vous rendre heureuse.
— Oh, Aesril… Il… il est rentré ?
— … Non. Je suis venue le voir, vous vous souvenez ? Je suis Elia, son amie.

La domestique arriva à ce moment-là, déposant deux coupelles de porcelaine bordée de motifs dorés et une théière remplie, ainsi qu’une coupe pleine de raisins juteux blancs et noirs. Le regard de Loralia s’illumina à nouveau, comme si rien ne s’était passé.

Le retour aux sources Captur19

— Vous aimez le thé à la rose ? Il est délicieux, vous devriez y goûter.
— Oui, merci, c’est très aimable, répondit docilement Elia, consciente qu’il fallait ménager les émotions de son hôte.
— Alors ? Vous alliez me raconter comment vous aviez rencontré Aesril.
— Eh bien… Nous nous sommes rencontrés à Stros M’Kai.
— Stros M’Kai ? J’ignorais que mon fils s’y était rendu.
— C’était il y a dix ans.
— Vous ai-je déjà dit que votre énergie magique était surprenante ?
— Euh… Vous avez dit quelque chose de ce genre, oui.
— J’aimerais ressentir vos pouvoirs, puis-je ?
— Hum… Oui, très bien, faites.

Elia tendit la main vers Loralia qui l’attrapa doucement. Elle ressentit alors l’énergie de l’Altmer parcourir son corps et la sonder. Loralia ferma les yeux. Ses paupières se mirent à trembler, palpitantes. Elia commença à s’inquiéter, se demandant si elle faisait une sorte de crise et si elle devait aller prévenir la domestique, mais la voix douce de l’elfe vint interrompre ses réflexions.

— Vous avez une force qui s’ignore, Elia. C’est votre désir de contrôler vos émotions qui vous limite… Une part de lui est toujours avec vous, vous savez ? Mais une part de vous est toujours avec lui. Il n’est pas rare que des mages lient leur énergie. Les éléments ne demandent qu’à se déchaîner en vous. Ils affluent vers votre corps et vous les distillez. Alors que vous pourriez les libérer. Vous pourriez les vivre.

Elia dévisagea la mère d’Aesril. Elle savait à présent de qui il tenait cette incroyable capacité à capter la magie des autres et à la comprendre. Incommodée, elle ôta sa main, doucement. Elle n’aimait pas être sondée de la sorte.
— Vous dites… qu’une part de lui est en moi. Vous parlez d’Aesril ?
— Oui. Je ressens son énergie magique à travers vous. Je pourrais la reconnaître entre mille. C’est un enfant si spécial, vous savez. Menduil dit toujours qu’il faut qu’il apprenne à la dure, qu’il faut qu’il dépasse ses peurs, mais je ne suis pas d’accord. Ses pouvoirs sont puissants, cela va finir par le détruire si on le pousse dans ses retranchements, ou pire, cela va détruire les autres. Il est… comme connecté à chaque chose. Tellement sensible sur tous les aspects.
— … Sensible ?
— Oui. Il a toujours tout ressenti avec tellement de force. Et dans sa magie également. Il… vit les éléments et les éléments sont connectés à lui. Il décrit toutes ses sensations avec tellement d’intensité… Menduil ne peut pas comprendre, il ne capte pas la magie comme nous. Mais moi je sais. Aesril est un don de Magnus dans ce monde. Il peut faire des prodiges. Il comprend les choses bien plus vite que les autres enfants.

« Les autres enfants ? ». Elia avait le sentiment que la mère d’Aesril perdait la notion du temps présent. « Que lui est-il arrivé ? A-t-elle toujours été ainsi ? ».



— Que pouvez-vous me dire au sujet de sa magie ? Aesril a-t-il toujours été aussi doué ?
— Oh, oui. Il a très vite compris qu’il n’était pas comme les autres. Pas vraiment au niveau de sa puissance, mais surtout, au niveau de sa compréhension du monde. Il me disait parfois qu’il voyait l’énergie magique. Il la décrivait comme des fils de lumière reliés aux êtres, aux créatures, à chaque chose. Et il a très vite ressenti le besoin de comprendre comment utiliser cette énergie. Il a toujours été très calme, mais il s’énervait dès lors qu'il ne saisissait pas quelque chose. Mais, à force de patience, il a développé des talents… Malheureusement, cela l’a éloigné des autres enfants… Il a toujours été si solitaire. C’est pour ça que je suis heureuse qu’il se soit fait une amie.


Le retour aux sources Captur45


Loralia eut un rire cristallin.
— Je lui avait bien dit qu’un jour, il trouverait quelqu’un qui le comprenne ! Quand j’ai senti votre énergie, j’ai compris que vous aviez quelque chose à lui apporter. Aesril a beau tout vouloir faire par lui-même, il a besoin de quelqu’un pour l’accompagner. J’ai toujours eu tellement de mal à lui faire sortir le moindre mot sur ce qu’il ressentait… J’ai fini par espérer qu’un jour il se confierait à quelqu’un d’extérieur, avec un autre regard sur le monde… Comme lui.


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Trempant ses lèvres dans le breuvage aux délicats arômes fleuris, Elia observa les expressions de Loralia. À l’écouter, Aesril semblait être une personne plus sensible qu’elle ne se l’était figuré, lui qui affichait toujours une telle impassibilité et une force de caractère si marquée. Sa vie semblait avoir été si solitaire… Tant de questions lui brûlaient les lèvres, désormais. Elle ne savait simplement pas par où commencer.

— Savez-vous où est Aesril en ce moment ?
— Oh non, il entretient un tel mystère… Je ne comprends pas pourquoi il cherche tant à me protéger. Il part parfois pendant des mois…
— Que va-t-il faire quand il est absent ?
— Les dieux seuls le savent ! Il me parle d’expériences qu’il mène, de voyages qu’il fait… Il est allé à tant d’endroits différents… Valboisé, Cyrodiil, Lenclume, Havre-Tempête, la Glénumbrie…

« Havre-Tempête et la Glénumbrie ? » Il se rapprochait de plus en plus des terres de l’Alliance et des lieux familiers pour Elia. Se pourrait-il que ce soit lié à ses investigations pour la retrouver ?

— Il ne vous dit pas pourquoi il voyage ?
— Non… Il tient toujours le même discours. Il dit qu’il part en études sur le terrain pour explorer de vieilles ruines dans lesquelles on aurait trouvé des artefacts magiques… Il est parfois rentré tellement fourbu et courbaturé, je ne sais vraiment pas ce qu’il va faire là-bas. Je me demande si ce n’est pas un moyen pour lui de passer des nuits blanches à travailler sans que je ne sois sur son dos à lui dire de se ménager.
— Il avait l’air d’être un enfant tout à fait exceptionnel. Qu’est-ce qui le passionnait ?
— Oh, tant de choses ! Il a toujours été fasciné par la magie, bien sûr, c’était comme une seconde nature. Mais il aime aussi dessiner et, quand il n’était pas dans sa chambre, il passait un temps fou dans la nature.

— Pourrais-je la voir ? Sa chambre, je veux dire.
— Bien sûr ! Suivez-moi.


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Elle la guida à nouveau à l’intérieur de la maison et gravirent un grand escalier menant aux étages supérieurs. Elles arrivèrent devant une porte de bois fermée. Loralia abaissa la poignée, mais la porte lui résista. Elle se tourna alors vers Elia avec un sourire malicieux.

— Aesril ne le sait pas, mais je garde une clef de sa chambre. J’aime m’y rendre quand il me manque, je l’imagine perdu dans ses livres, à écrire avec tant de passion sur les parchemins, à faire ses expérimentations magiques…

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Elle tira une clef dorée de l’intérieur de sa manche et, l’enfonçant dans la serrure, celle-ci cliqueta joyeusement et la porte s’ouvrit, soulevant le voile sur le mystère. Elia fit quelque pas à l’intérieur, impatiente de découvrir l’univers qu’il avait construit.
Elle arriva dans une grande pièce aux haut-plafonds, décorée très sobrement. Le lit était fait et personne ne semblait y avoir dormi depuis un certain temps. Au pied de celui-ci, une immense malle. Au sol, des tapis avaient été roulés et repoussés sur les côtés, laissant de la place pour une quantité de livres éparpillés absolument partout. Parmi les autres meubles, se trouvait une grande armoire de bois massif, un bureau sur lequel s’étalaient de nombreux parchemins et d’autres livres, un atelier d’alchimie très soigné au-dessus duquel, sur des étagères, de nombreuses fioles s’alignaient dans un ordre parfait, visiblement classées et triées selon ses préférences. Sur une commode, trônait un bâton de destruction aux motifs fins et fait d’un alliage étrange, au centre duquel était incrustée une pierre bleutée et brillante. Elia s’en approcha, passant sa main au-dessus. Elle fût frappée en ressentant la puissance de l’énergie qui afflua vers elle. Ce bâton n’était pas ordinaire. Elle pouvait sentir la magie d’Aesril d’ici, cette force incroyable, chaleureuse, vibrante, enivrante. Elle posa sa main dessus pour mieux la percevoir, fermant les yeux. L’énergie afflua en elle, ainsi que les souvenirs. Il lui semblait qu’il se trouvait avec elle en ce moment. Elle ôta sa main, troublée. Cette sensation lui était étrangement apaisante.



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— Il me semble qu’il a dessiné et enchanté ce bâton lui-même… Aesril a toujours été très touche-à-tout, vous savez.
— Oui, il est incroyable pour cela, en effet, dit doucement Elia.

Elle navigua dans la pièce, laissant son regard se perdre dans les nombreux et intrigants détails. Aux murs se trouvaient quelques peintures et croquis, accrochés sans cadre. Mais ils ne ressemblaient pas à l’habituelle peinture Altmer que l’on pouvait voir dans les salons et les belles demeures du Couchant et d’Auridia. Il s’y trouvait des portraits, esquissés au fusain, d’un Altmer aux traits sévères, de visages qu’Elia ne connaissait pas, aux expressions variées, intenses. Elle reconnut plusieurs portraits de sa mère, où elle apparaissait avec des traits plus jeunes. Un regard parmi les visages attira son attention, un regard qu’elle connaissait.

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C’était elle. Elle portait la même tenue qu’elle avait aujourd’hui et elle semblait dévisager son monde avec un air de mépris sévère. Elle se pencha pour mieux détailler son expression. En haut, à gauche du dessin, se trouvait une note de la main d’Aesril : « Ma très fougueuse magicienne ». Elle décrocha la feuille du mur, la gorge nouée, fébrile. La mère d’Aesril s’approcha d’elle.

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— Oh, mais c’est vous ! Quand je pense à toutes les fois où je suis venue ici, je n’avais jamais vu ce dessin. Il a bien capté votre aura, je trouve, mais vous avez l’air plus doux et plus aimable en personne. Aesril et vous êtes intimes ?

Elia écarquilla les yeux, surprise que la question lui fut posée de façon aussi directe.
— Euh… Oui. Enfin, plus ou moins… C’est compliqué. Dites-moi, Aesril s’est-il déjà marié ?
— Par Auri-El, rien ne me ferait plus plaisir ! Mais non, je n’ai jamais eu connaissance d’une quelconque femme dans sa vie… ou d’un homme. C’est bien triste, je trouve…

Elia retourna la feuille. Il s’y trouvait quelques mots écrits de la même main élégante.

« Oh, comme j’aurais aimé pouvoir cesser ce jeu de dupe et te parler franchement. Te regarder dans les yeux, plonger mon regard dans le tien et te dire pourquoi j’étais là. Je peux encore sentir l’ardeur de ton regard me brûler le dos tandis que je m’éloignais de toi. »


Le retour aux sources Captur47


Elle frémit. « Quand m’a-t-il vue l’observer de la sorte ? Nous serions-nous déjà croisés sans que je ne m’en sois rendue compte ? » Anxieuse, elle replaça la feuille à l’endroit où elle l’avait trouvée et s’approcha du bureau. De nombreuses notes s’y trouvaient bien rangées et en ordre. La plupart recensaient des rendez-vous, des lieux où il était invité, mais les dates étaient déjà dépassées. Le symbole d’un parchemin attira son attention : c’était celui du Magisterium. Il s’agissait de l’invitation qu’elle avait envoyée pour le bal. « Plus de doute possible à présent, c’était bien lui… ». Sur d’autres parchemins, des notes étaient griffonnées dans une langue qu’elle ne connaissait pas. Elle questionna Loralia :

— Savez-vous ce que cela signifie ?

La femme se pencha sur le parchemin que la sorcière lui désignait et dit d’un sourire enchanteur :
— C’est de l’Ayleidoon. Je serais bien incapable d’en comprendre un traître mot, même si certains se rapprochent de l’elfique ancien.
— Est-ce que c’est courant chez les Altmers de parler ou d’écrire en Ayleidoon ?
— Oh non, pas le moins du monde ! À vrai dire, il n’y a presque personne aujourd’hui qui sache le traduire, à part quelques érudits chez les Sapiarques, alors, le parler…
— Et ça ne vous surprend pas qu’Aesril sache l’écrire ?
— Il a étudié chez les Sapiarques, vous savez ! Et puis, si je devais m’étonner de toutes les choses qu’il sait, je serais toujours ébahie ! Il a toujours été passionné par les civilisations perdues. Et dès lors que quelque chose le passionne, il peut soulever des montagnes.
— Oui, j’avais remarqué…


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La domestique fit alors irruption dans la pièce, éberluée, affolée.
— M… Madame ! Vous avez laissé cette étrangère venir dans la chambre de Monsieur ! Il ne va pas apprécier, il a été très clair : absolument personne ne doit rentrer ici, ni vous, ni moi ! Que fera-t-il s’il le découvre ?

Sans la moindre inquiétude dans sa voix, la mère d’Aesril se tourna vers la servante.
— Enfin Dorilwën, à vous entendre, vous avez peur de mon fils. Je lui expliquerai la situation voilà tout, je suis sûre qu’il comprendra.

Dorilwën, ouvrit de grands yeux. De toute évidence, elle n’était pas de cet avis. Comme si elle avait vu un fantôme, une véritable frayeur s’affichait sur son visage.
— Cette nebarra ne peut pas rester, je sais que Monsieur ne l’aurait jamais accepté ! Et je doute qu’il comprendra mieux si vous lui expliquez…
— Voilà des manières bien déplacées de vous adresser à moi et à notre invitée, Elinara ! Je ne vous ai jamais connu ce genre d’insolence. Venez, poursuivons notre discussion à l’extérieur, ne mettons pas l’amie de mon fils dans l’embarras. Il y a déjà si peu d’enfants qui viennent jouer avec lui.

Loralia mena alors la domestique récalcitrante à l’extérieur de la chambre, tandis qu’Elia, se frottant la nuque, observait la scène, dubitative. Venaient-elles vraiment de la laisser seule dans la chambre d’Aesril ? Cette chambre où même sa propre mère n’avait pas le droit d’entrer ? Ce n’était pas le moment d’hésiter, l’occasion était trop belle. Elle reprit son investigation.

Elle se dirigea vers la penderie qu’elle inspecta, repoussant les vêtements posés sur des cintres. Il s’y trouvaient des habits aux textiles aussi riches que délicats : pourpoints de brocard, chemises de soie sauvage, braies de lin vaporeux. Elle ne l’avait jamais vu aussi richement vêtu, mais elle parvenait très bien à se le figurer. Étrangement, il y avait aussi des vêtements bien plus modestes, plus amples, aux matières plus brutes.

Elle ouvrit les tiroirs des commodes et de son bureau, fouilla dans la malle. Elle fut surprise de découvir que tous ces meubles étaient presque vides. Elle s'était attendue à trouver mille instruments magiques, quantité de fioles et d'herbes, pléthore de parchemins et de gemmes enchantés ou, au moins, une clef, une carte, quelque chose qui la mette sur une piste. Mais il n'y avait qu'une boîte avec quelques bougies, des fusains rangés dans du papier de soie, des pots de peinture et des vieux pinceaux, quelques bouts de ficelle... le bric-à-brac habituel.


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Elle parcourut rapidement les titres de ses lectures. Il y avait absolument de tout. Se mélangeaient pêle-mêle des ouvrages sur la magie des éléments, sur l’art pictural de la Première Ère, sur l’histoire des derniers Falmers, sur les invasions Alessiennes, sur la nécromancie, des recueils de poésie aux couvertures de cuir fin, des livres sur les Ayleides et sur les premiers elfes… Il avait toujours été intéressé par tant de choses, elle ne s’étonna pas qu’il ait passé sa vie à nourrir son esprit de mots. Mais cela ne l’aidait pas davantage.

« Allons Elia, réfléchis, vite… Si tu étais Aesril où irais-tu ranger quelque chose que tu ne voudrais pas que l’on trouve ? ». Question ardue s’il en était. Il avait certainement pris toutes les précautions. À l’extérieur de la pièce, le ton commençait à monter entre les deux femmes et elle comprit qu’elle devait se dépêcher. Elle devait se plonger dans l’homme qu’il était. Le Mer à l’esprit labyrinthique qui avait imaginé cette pièce. L’enfant solitaire. Le mage, passionné, puissant, curieux, méfiant…


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Elle s’assit sur le lit un instant, regardant la pièce autour d’elle, posant sa main sur l’oreiller de soie rembourré de plumes d’oies. Elle en approcha son visage, humant l’odeur sur le textile, le caressant du bout des doigts, comme pour mieux se souvenir de la sensation que cela faisait d’être étendue auprès de lui. Elle se souvint de ce que cela provoquait en elle, lorsque la tête posée sur son torse chaud, elle écoutait les battements de son coeur et, posant la main sur sa peau dorée, ressentait le flux magique qui vivait en lui avec tant d’impétuosité. Elle tenta de se le représenter enfant, tel que sa mère le décrivait. Elle commençait à en saisir une image. Elle repensa à leur cabane à Stros M’Kai, à quel point il affectionnait ce lieu. Troublée des sentiments que cela suscitait en elle, elle tâcha de retrouver sa concentration.

« Si j’étais Aesril, Il me faudrait quelque chose de plus que cette chambre… Un repère. Une cabane dans un arbre, un lieu reculé où personne ne viendrait me déranger. Un endroit où personne ne songerait à venir me trouver. Un endroit connu de moi seul. Ici, ce n’est qu’un lieu de passage. Mais comment savoir où cet endroit se trouve ? » Elle jeta un coup d’oeil au bâton posé sur le meuble, tel un trophée. 

Elle pourrait le piéger, le forcer à se révéler. Et si elle s’emparait du bâton ? Difficile de ressortir d’ici avec sans attirer l’attention… Poser un sortilège dessus ? Il le sentirait tout de suite. Prendre sa mère en otage et menacer de la tuer ? L’idée la dégoûta. Elle n’était pas ce genre de personne et cette femme avait déjà l’air assez perturbé comme cela. Et puis, elle doutait qu’Aesril y croie, ne serait-ce qu’une seconde.

Lui aussi savait qu’elle avait beau être ambitieuse et combative, elle ne serait jamais capable d’ôter la vie d’une femme sans défense. Elle décida de faire la seule chose à faire dans le peu de temps qu’il lui restait. Un acte de provocation.

« Si c’est ainsi que tu veux que nous parlions Aesril, et bien soit. Parlons. »

Elle se dirigea vers le bureau et, ouvrant un tiroir, en sortit un parchemin, une plume et un encrier. Elle s’apprêtait à écrire des mots emplis de menaces lorsque son regard se posa à nouveau sur le dessin au mur. Les mots qu’il employait pour parler d’elle ne ressemblaient pourtant pas à ceux d’un homme cherchant à lui causer du tort… « Mais que veut-il par l’Oblivion ?! » Elle demeura un moment, la main en suspens au-dessus de la feuille blanche. Il y avait tant de choses qu’elle aurait voulu lui dire, tant de questions à lui poser… Mais que dire dans une simple lettre ?
Malgré l’empressement, elle écrivit avec le plus grand soin :

« Mon cher Aesril,

Je te félicite, tu m’as prouvé que tu pouvais non seulement t’infiltrer dans ma vie, pénétrer dans mes quartiers, dans mon académie et semer le trouble dans mes relations.
Merci pour ton ravissant cadeau et pour cette danse, je ne savais pas que tu avais aussi ce talent.
Mais tu serais bien mal avisé de penser que je vais te laisser agir à ta guise sans chercher à me défendre. J’ai l’impression que cela fait quelque temps que tu me suis, aussi, je pense que tu sais désormais que je ne suis plus la femme que tu as entraînée dans tes mensonges et que je suis assez puissante pour me défendre contre les individus dans ton genre.
La traque est bientôt terminée, alors si tu veux quelque chose de moi, viens me voir directement et cesse de te cacher. Ou alors, je serai obligée de venir te débusquer là où tu te terres. Laisse les Compagnons en dehors de tes manigances. Si c’est moi que tu veux, viens. Je t’attends.

Elia »

Elle décrocha ensuite le dessin du portrait qu’il avait fait d’elle et y écrivit à côté de la note qu’il avait lui-même ajoutée la mention « Aesril »


Elle plaça sa lettre sous le dessin et replaça les feuillets au mur. L’illusion était parfaite et seul quelqu’un avec le sens du détail comme Aesril aurait pu remarquer cette différence dans le décor. Pour signifier sa venue, elle changea également de place aux livres et aux parchemins, plaçant l’Histoire de la Tour Adamantine à la place du Déclin des Dwemers et De la puissance de la Lumière à côté de son lit. Elle inversa ensuite le sens du bâton de destruction. Changements imperceptibles pour qui ne connaissait pas la pièce, message évident pour l’homme perfectionniste et obsessionnel qu’il était.

— Mais enfin, vas-tu me laisser tranquille, pauvre sotte ?!

Le bruit sec d’une gifle résonna depuis les couloirs.
Elia ressortit de la pièce pour découvrir la domestique, à demi recroquevillée sur elle même qui se tenait la joue d’une main et la mère d’Aesril face à elle, à mi-chemin entre la colère et la terreur. Son ton se radoucit immédiatement.

— Oh, par Auri-El, je suis désolée, Elinara, je ne sais pas ce qu’il m’a pris… je… je…

Mais elle ne parvint pas à terminer sa phrase. Elia ne put s’empêcher de ressentir de l’empathie pour cette femme qui semblait ne plus avoir toute sa raison, perdue entre le passé et le présent. Elle s’approcha d’elle doucement et posa une main sur son épaule.

— Ma Dame, tout va bien ?

Loralia se retourna et scruta le visage d’Elia, le regard inexpressif, vide.
— Oh, belle enfant. Je vais bien oui. Quand Menduil sera rentré, je lui expliquerai. Aesril n’y est pour rien, il ne voulait certainement pas le faire exprès… C’est sûrement une erreur…

— Une erreur ? De quoi parlez-vous ?

Mais la femme ne répondit pas.

Ne sachant que faire, Elia se tourna vers la domestique.
— Je peux faire quelque chose ?

La dénommée Dorilwën la poignarda du regard.
— Oui. Fichez le camp. Vous avez fait assez de dégâts comme ça. Partez et je ne dirai pas à Aesril que vous êtes passée. Ça vaut mieux pour vous.

Elia se redressa de toute sa hauteur et toisa la domestique.
— Je dirais que cela vaut mieux pour vous, en fait. Mais au contraire, dites-lui bien que je suis passée.
Elle se tourna ensuite vers la mère d’Aesril, prenant sa main dans la sienne, la pressant avec douceur.
— Je suis désolée si je vous ai importunée, vous avez été charmante avec moi. J’espère pour vous que votre fils rentrera bientôt vous voir. Merci pour tout. Prenez soin de vous.

Le retour aux sources Captur48

Elle aurait aimé faire plus pour cette pauvre femme, mais elle se savait impuissante.
Elle s’inclina bien bas devant les deux Altmers et regagna la sortie. Elle avait enfin commencé à retourner la situation à son avantage, mais, malgré tout, elle se sentait plus troublée encore chaque fois qu’elle faisait un pas de plus vers lui et vers la vérité.
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